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DEUXIÈME PARTIE

tre territoire à l’abri de l’invasion !… C’est l’avis des experts militaires !… L’ARMÉE DE VON EMMICH DÉCIMÉE !… Les Français victorieux entrent à Mulhouse ! … NOUS POUVONS NOUS ATTENDRE AU CHATIMENT DES ENVAHISSEURS !… »

— Il y a donc une justice ? demandait Sauvelain.

— Homme de peu de foi ! s’écriait Philippe.

Et tous deux se regardaient, trop émus pour trouver rien à dire. Ainsi nôtre petite armée tenait en échec le colosse allemand, ce colosse qui faisait trembler l’Europe !

On baignait dans le miracle ! On perdait la tête, ivre d’espérance, après avoir pâli devant le spectre de la mort ! Aussi accueillait-on avec indifférence « l’intervention tardive de l’Angleterre, qui se préparait à nous porter secours ».

À quoi bon ?

NOUS SOMMES ASSURÉS DE LA VICTOIRE !… NOUS N’AVONS PLUS BESOIN DE SECOURS !

Héloir et Sauvelain, grisés d’orgueil, Se promenaient dans la gloire, en se donnant le bras.

Chemin faisant, ils élevaient la Belgique au rang de grande puissance ; ils reculaient la frontière jusqu’au Rhin, et couronnaient le « petit Belge », si longtemps méconnu, dédaigné. Il venait de révéler au monde la secrète noblesse de son âme, repliée jusqu’alors sur elle-même, et qui n’avait pu s’épanouir, tant la maintenait dans l’humiliation l’hostile nationalisme de ses puissants voisins.