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Page:Torcy (Blieck) - L'exode, 1919.djvu/91

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L’EXODE

À présent la presse étrangère comparait les vainqueurs de Liège aux héros des Thermopiles.

« Aucune parole, déclarait le Times, ne peut exagérer la valeur de l’héroïque résistance des Belges. Elle prendra dans l’histoire une place qu’on n’oubliera jamais. »

De tels éloges faisaient perdre à Philippe le peu de bon sens qui lui restait encore. Jamais, il n’avait connu des heures plus enivrantes. Jamais il n’eût rêvé pour son pays une gloire si pure, d’une telle beauté morale. Il en recevait une âme nouvelle, plus large, plus haute. Frédéric aussi. Tous deux ambitionnèrent d’accomplir de grandes choses ; un monde nouveau s’ouvrait à leur espoir ; L’Angleterre ne repousserait plus les tableaux du peintre, la France accueillerait les livres de l’écrivain. Pourquoi pas ?

Un soleil d’Austerlitz brillait dans les nues ; le cortège de la Victoire passait dans le ciel bleu :

— Frédéric, les barrières sont écroulées !… Nous sommes devenus des Européens !

IV

« Mon cher Philippe, venez me voir ; je me sens bien seule et bien mélancolique. Lucienne. »

Au reçu de ce billet, il se rendit chez son amie. Peu s’en fallait qu’il ne l’eût oubliée, tant les sentiments personnels se perdaient alors dans l’émotion nationale.