Page:Touchatout - Le Trombinoscope, Volume 1, 1871.djvu/113

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Ollivier au gouvernement, et Sardou put finir le deuxième acte de son Rabagas. — On s’attendit alors à le voir, d’un moment à l’autre, chargé d’un ministère, et sa situation à la Chambre, entre la gauche dont il n’était plus et le pouvoir dont il n’était pas encore, devint aussi tendue que celle d’un employé qui a volé une pièce de calicot à son patron ; mais qui ne sait pas encore s’il trouvera à le vendre. — Il tint bon cependant et prit part à plusieurs discussions, entre autres celle sur le libre-échange dont il défendit le principe contre M. Pouyer-Quertier. — À la suite de quelques articles du Pays (pardon !…) qu’il avait dénoncés à la tribune, Émile Ollivier fut provoqué en duel par M. Cassagnac ; mais se souvenant à temps de l’affaire Beauvallon-Dujarrier, il déclina cette occasion superbe de jouer sa vie, en deux balles de pistolet, contre un homme pour qui l’armurerie n’avait plus, disait-on, aucun secret. — Avant les élections générales de 1869, Émile Ollivier éprouva le besoin de justifier sa conduite aux yeux de ses électeurs de Paris ; il y parvint si bien, qu’à la suite de son livre : Le 19 Janvier, ces derniers l’envoyèrent voir dans le. Var si l’obélisque de Louqsor avait des feuilles. Le département du Var, moins difficile dans le choix de ses hommes, probablement parce qu’il possède Toulon, envoya Émile Ollivier au Corps législatif, où il continua son savant mouvement de conversion. Enfin, le 27 décembre, l’empereur, qui sentait le moment venu de sacrifier le pan de sa redingote pour ne pas passer tout entier dans l’engrenage, chargea Émile Ollivier de composer un ministère libéral. Émile Ollivier eut quelque peine à réunir un nombre suffisant d’hommes ayant mis assez de scrupules au Mont-de-Piété pour consentir à travailler à côté de lui ; il y arriva pourtant et son ministère fut constitué. Il conserva pour lui le portefeuille de la justice ; Thémis en eut même un bâillement de stupéfaction si énorme, qu’elle en a encore la bouche ouverte ; et il s’adjugea le rôle de chef de cabinet. Les principaux actes de son ministère furent un méli-mélo dans lequel une vache ne reconnaîtrait pas son veau, ni Mademoiselle Crémisse les amants qui ont dépensé 400 000 francs de virements pour elle. Il amnistia Ledru-Rollin et arrêta Henri Rochefort, député. C’est sous Ollivier que le prince Pierre Bonaparte, qui tirait à vue sur la cassette de l’empereur et à balle sur les témoins qu’on lui envoyait, fut acquitté par la haute cour ; et c’est toujours sous Ollivier que chaque soir, à 9 heures 10 minutes, les sergents de ville faisaient faire la digestion des promeneurs du boulevard Montmartre à grands coups de casse-tête dans le dos. On en cite pas mal que ça a guéri de leur gastrite ; seulement ils ne sont pas là pour le dire. — Au moment de la déclaration de guerre à la Prusse, Émile Ollivier monta à la tribune où il développa sa célèbre théorie du cœur léger. Tout allait pour le mieux : de Grammont falsifiait les dépêches de Berlin pour prouver à la France que la guerre était inévitable, Le Bœuf lançait sa fameuse gasconnade : Il ne nous manque pas un bouton de guêtre… nous sommes dix huit fois