Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu/166

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ce qui le rendait toujours exubérant. Il le fut à l’excès, ce soir-là.

Toute la nuit, le temps fut détestable. Le vent soufflait en tempête, fouaillant, comme des troupeaux, la neige et la pluie à travers les étroites rues de Ribamourt ; et la vieille hôtellerie tremblait sur sa base. Mais, au matin, le temps redevint clair.

Quand la vieille servante, qui m’apportait le chocolat, poussa les contrevents, je la priai de laisser les fenêtres ouvertes. Me voyant éveillé, elle m’annonça qu’on avait trouvé Béhanzigue mort dans sa chambre : il s’était tué d’un coup de revolver. La police avait déjà emporté ses papiers, parmi lesquels il y avait, paraît-il, une lettre pour moi, que je pourrais réclamer au commissariat. Je lui demandai pour quoi on n’avait pas, de préférence, mis les scellés.

— C’est à cause du corps, me dit-elle.

Cependant un pâle rayon de soleil, qui était entre dans ma chambre, jouait avec les cristaux de mon nécessaire. De l’autre côté de la rue il y avait un atelier de modistes : l’une d’elles chantait la lettre de la Périchole.

Pendant le déjeuner, la tempête et la neige reprirent leur concert, et firent paraître plus doux le grand feu qui pétillait dans la cheminée. Le malheur est que ces messieurs s’étaient mis à commenter la mort de leur collègue. Plusieurs d’entre eux se rappelaient fort bien avoir toujours dit qu’il finirait comme ça. « D’ailleurs il jouait ; il avait des maladies secrètes ; ses patrons n’étaient pas contents de lui ; et il n’avait rien de