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Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu/26

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la vie. Elle avait le sentiment que ses père et mère lui avaient tous deux découvert quelque chose qu’elle-même ne savait pas, et sur quoi ils n’étaient pas d’accord. Le temps, les circonstances, ni M. Filéma ne lui laissèrent ignorer longtemps ce que c’était. Mais il serait hors de sujet de s’étendre là-dessus, ou d’en vouloir conserver des souvenirs plus précis qu’Eulalie elle-même. Ils se détachaient mal dans sa molle mémoire du décor qui les enveloppait. D’un seul coup, en même temps que ce triste vaudeville, elle revoyait leur appartement des Ternes, que sa mère remplissait de désordre et de cris — les fenêtres qui en donnaient sur une cour de l’Urbaine, toute vibrante de mouches — tandis qu’au dehors, l’été torride rayait d’ombre et de lumière les rues jaunes et bleues, où des gens passaient sous des ombrelles.

Il y avait quatre ans de cela. Sa mère était morte peu après, en suppliant à son lit de mort Eulalie d’être sage et bonne fille. C’est environ le même temps qu’elle avait quitté son père et l’atelier pour le trottoir. Puis elle avait fait connaissance de Gustave-Alphonse, dit le Dauphin, et s’était « mise avec » Puis elle s’était raccommodée avec M. Filéma.

Celui-ci venait même, de temps en temps, déjeuner avec sa fille et son gendre dans leur home de la rue Lemarle-Thibeau. À ces occasions, il relayait dans une ancienne cour de laiterie que Manivelle, le marchand de vin, avait louée comme débarras, vis-à-vis le Zanzi des Cœurs, a deux ou trois maisons près. La jument Pigaille une fois dételée, on la laissait libre derrière le portail, parmi la volaille et les lapins