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Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu/52

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bouche du cheval, on alla boire, tous les trois. Ce ne fut que sur le pouce ; mais un peu plus loin, Finfonce ragaillardi voulut à son tour offrir une tournée. La voiture fut de nouveau laissée à l’écart, dans un creux de la rue, auprès d’une maison en construction.

On demeura, cette fois-ci, plus longtemps à boire ; et ce fut plusieurs verres. Le débit était d’ailleurs plus brillant que celui de tout à l’heure. À quelque distance, sur une placette, un orchestre faisait tourner, de ses aigres flonflons, quelques couples aux hanches balancées, sous un décor sanglant de platanes illuminés et de lanternes vénitiennes. Eulalie, qui parmi celle aventure, n’avait point dîné, sentait tourner aussi sous l’alcool, sa tête creuse. Et pour l’instant, elle tâchait tristement d’accommoder à l’air de la matchiche, qu’on venait d’entonner sur l’estrade, les vers de son ami.

— Tout ainsi que ces pommes, fredonnait-elle, que Tantalus…

À ce moment, quelques jeunes gens, en entrant, saluèrent M. Dophin. Celui-ci leur présenta son beau-père.

— M. Filéma, de l’Urbaine, dit-il. Mais il le flattait.

— Ah ! fit l’un des nouveaux venus, c’est donc vous qu’avez laissé votre bagnole dans le plâtras, là-bas. Ces ! drôle, il m’a semblé voir quelqu’un dedans.

M. Dophin se sentit pâlir et sa darne en oublia la matchiche.

— Quelqu’un ? répondit le cocher, qui bredouilla un peu. Oui… c’est un… pochard, qu’est avec nous. Pas moyen de le faire descendre ; il dort comme un sac de pommes de terre.