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Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu/82

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Les Lampourde et les Séguovin n’avaient jusque-là guère été moins intimes que leurs enfants. Le malheur est qu’un jour ils le furent trop, au moins pour la moitié d’entre eux.

Le père de René était un petit employé, courbé, grisonnant et doux, qui s’obstinait sans cesse à économiser ce que Mme Lampourde, belle, coquette et fainéante, ne s’obstinait pas moins à dépenser en fanfreluches vaines et médiocres gourmandises. L’autre ménage présentait un contraste inverse. Mme Séguovin, robuste matrone haute en couleur, à la main leste, trouvait — en dehors des soins vigoureux qu’elle prenait de sa fille et de son ménage — le temps de s’employer comme lingère dans deux ou trois familles riches du quartier. Son mari, au contraire, habile ouvrier d’horlogerie, et qui, par un peu de travail, aurait mis les siens dans l’aisance, offrait un excellent exemple du « gouapeur ». Plus occupé de jupons que de montres, ce beau blond, avec ses yeux caressants et ses chemises de couleur, ravageait tous les cœurs du voisinage. Celui de Mme Lampourde ne fut pas un des derniers à battre tendrement pour lui. Mme Lampourde était seule la plupart du jour et L. Séguovin aussi le plus souvent. Il est vrai qu’une muraille les séparait ; mais ce n’est rien qu’une muraille quand elle ne s’étaye pas sur la vertu. Aussi ne furent-ils pas longs, ni au propre, ni au figuré, à la franchir.

C’est ainsi qu’ils se virent pendant longtemps presque chaque après-midi. Cela durerait peut-être encore si Mme Lampourde qui, nourrie de lectures, tournait au féminisme, à