Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu/90

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Alger n’en ayant pas d’assez beaux, et choisis minutieusement en harmonie avec le charme de la femme qu’il avait le plus aimée, de sa femme.

Un instant, il la revit telle qu’elle était alors, un peu frêle et timide, n’aimant pas le monde, et il se revécut lui-même, le sang jeune, les yeux brillants, le cerveau libre.

Et le lit élastique et vaste, ou la courbe d’un canapé éveillait aussi au-dedans de lui, des souvenirs moins avouables. Avec un bizarre mélange de honte et de plaisir, il se rappela les premiers mois, où il avait traité l’épouse en maîtresse, où, le matin, au bureau, son arrivée tardive et son allure fatiguée faisaient dire à quelque intime, avec des intentions grivoises : « Qu’est-ce que vous avez donc, ce matin, Desrocher ? Vous n’avez pas l’air dans votre assiette. »

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Comme tout cela était loin. Faisant quelques pas, il s’aperçut dans une glace, courbé, blanchi, vieux enfin ; et il songea que la mort n’était pas très loin.

Le rayon de soleil avait tourné : maintenant il frappait un petit meuble syrien, espèce de secrétaire où Mme Desrochers mettait ses lettres et ses bijoux. Le tiroir supérieur, qui formait comme un dessus de bureau, était entr’ouvert ; cette circonstance frappa le vieillard qui le savait sévèrement d’habitude, et reprochait même en riant à sa femme d’y cacher des billets doux. De fait, elle lui avait montré plusieurs