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Page:Toulet - Béhanzigue, 1921.djvu/96

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de dentelle, mais d’une exquise galanterie. Lui-même avait un de ces visages qui intéressent, le teint pâle plutôt que beau, les yeux les plus sombres, les plus vifs. Il me donna la main pour me guider à travers les tombes, et avec tant de noblesse que je ne me pouvais lasser d’admirer combien il avait bel air.

Comme ce lieu est plein de cyprès, il y en avait l’odeur autour de nous, qui est singulière et donne mal de cœur. Il s’y mêlait le parfum de ces roses languissantes qui persistent dans les frimas, et par là-dessus une odeur de cercueils peut-être : du moins je le crus, et que lui avec ses grandes narines palpitantes le respirait voluptueusement. Même il me dit :

— Je ne sais jamais si cela me donne plus envie d’être aimé ou d’être mort.

La S… par derrière me pinça, en murmurant comme je ne sais quel héros de comédie :

— Tu pleures, je pense.

Le fait est que j’avais envie de rire, et l’eus souvent depuis ; car c’est de ces choses surtout qu’il disait, qui n’ont point de sens, qui y prétendent, au plus raffiné même, et choquent je ne sais quoi au fond de nous.

Nous retombâmes dans le silence, et l’on n’entendit plus que nos pas sur le sol que le gel rendait sonore. Il nous expliqua toutefois avec sobriété, quand nous fûmes au but, que ces abîmes étaient une chose toute naturelle, et l’odeur infernale un peu de soufre, comme on en voit entr’ouvrir la terre, au royaume de Naples, prendre feu même.