Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/135

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dés ; je tiens à ce terrain, j’y ai mes projets… » Et si au moins ce motif eût été réel ! Mais la vérité, c’est que Anton Karassikov, le voisin d’Alexandre Vladimirovitch, avait refusé cent roubles de pot-de-vin à l’intendant de Korolev. Et nous nous séparâmes sans être plus avancés qu’avant la réunion. Alexandre Vladimirovitch est convaincu qu’il avait raison. Il parle plus que jamais de sa fabrique de draps, mais il n’a pas encore commencé le desséchement des marécages.

― Mais comment procède-t-il dans ses propriétés ?

― Il y introduit chaque mois des innovations. Les moujiks le blâment, mais pourquoi les écouterait-il ? Alexandre Vladimirovitch sait ce qu’il fait.

― Tiens ! Louka Petrovitch, je vous aurais cru partisan des procédés anciens.

― Quant à moi, c’est une autre affaire. Je ne suis ni gentilhomme, ni pomiéstchik. Qu’est-ce que c’est que l’économie rurale pour moi… Je ne puis faire autrement que mes ancêtres. Je tâche de me conduire d’après la justice et l’équité, et c’est assez. Louons Dieu. Les jeunes seigneurs ne goûtent pas l’ancien régime, et je ne les en blâme point. Il est temps d’être raison-