Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/316

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sa maison est à l’avenant. Dès l’antichambre on est assailli par les effluves de kvas, de suif et de cuivre ; à droite il y a un buffet chargé de pipes et de serviettes. La salle à manger est décorée de portraits de famille ; un grand pot de géranium et une épinette criarde achèvent l’ameublement de cette pièce. Dans le salon, on admire, trois divans, trois tables, deux glaces et une pendule rauque pourvue d’un vieux cadran émaillé et d’aiguilles en bronze sculpté. Le cabinet contient un bureau chargé de papiers, un paravent à fleurs bleues orné d’estampes découpées provenant des livres du dernier siècle, deux armoires remplies de bouquins puants, d’araignées et d’épaisses couches d’une poussière noirâtre, et un fauteuil rebondi ; cette pièce est éclairée par une fenêtre vénitienne et par une porte condamnée qui donne sur le jardin. Bref, rien n’y manque. Mardari Apollonitch possède une nombreuse dvornia habillée, à l’ancienne mode, de longs habits bleus à hauts collets, de pantalons d’une couleur indécise et s’arrêtant à la cheville et de gilets jaunes. Ses gens disent au visiteur : Batiouchka, au lieu de : Bârine. Stegounov a choisi pour gérer son bien un bourmistre parmi ses moujiks. C’est un homme dont la barbe finit avec sa touloupe.