Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/81

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― Eh oui ! je voulais d’abord savoir si le défunt avait laissé par hasard des effets et quelque argent ; mais je n’ai pu avoir aucun renseignement. Je suis allé dire à son patron : « C’est moi qui suis Vlass, le père de Philippe. » Et lui : « Mais, qu’est-ce que j’en sais ? Et d’ailleurs, ton fils n’a rien laissé, rien laissé ; avec ça qu’il me doit à moi. » C’est alors que je suis reparti.

Le moujik nous débitait tout cela du ton d’un homme qui parlerait d’un autre ; mais dans ses petits yeux roulait une larme, et il avait la lèvre tremblante.

― Tu vas maintenant à la maison ?

― Où irais-je ? à la maison, il y a là une femme que la faim fait siffler dans son poing[1].

― Tu devrais…, bégaya soudain Stépouchka mais, s’étant troublé, il prit le parti de se taire, et il fouilla dans le pot aux vers.

― Est-ce que tu iras trouver l’intendant ? dit Touman en observant avec quelque étonnement Stépan.

― Qu’est-ce que j’irais faire là ? songe donc que j’ai à payer des arriérés… Mon garçon, avant de mourir, a été tout un an malade, et lui-même

  1. Expression russe.