Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/89

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songeant : « Il faut absolument que j’aille la voir. » La chambre de la patiente était contiguë à la salle que j’occupais. J’entr'ouvris la porte sans bruit : j’avais, je ne sais pourquoi, comme des palpitations de cœur. Je cherche la domestique et je la vois dans un fauteuil, à deux pas du lit : elle dormait, la bouche ouverte ; elle ronflait même, la canaille ; la malade était tournée de mon côté, les bras écartés, la pauvre. Je la regardais d’un peu plus près, quand elle ouvrit les yeux et s’accrocha à moi en me disant : « Qui es-tu ? ― Ne vous effrayez pas, Mademoiselle, répondis-je tout interdit, je suis le médecin, je suis venu voir comment vous êtes. ― Le médecin ? ― Mais oui ; votre mère m’a envoyé chercher à la ville. Nous vous avons soignée. Tâchez de dormir maintenant, et dans deux ou trois jours, Dieu aidant, nous vous remettrons sur pied. ― Oh ! oui ; le médecin… Ne me laissez pas mourir, je vous en prie, je vous en prie ! ― Que dites-vous là ? que Dieu vous soit en aide !… » La fièvre va recommencer pensai-je ; je lui tâtai le pouls : je ne m’étais pas trompé. La jeune fille me regarda, puis me saisit le bras : « Je vais vous dire pourquoi je ne veux pas mourir ; je vais vous le dire tout de suite. Nous sommes seuls… pas un mot,