Page:Tourgueniev, Terres Vierges, ed. Hetzel.djvu/109

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais, à en juger par le sourire dont elle accompagna sa sortie, elle interprétait ce trouble d’une façon avantageuse à elle.

En entrant dans la salle de billard, Néjdanof rencontra Marianne. Les mains fortement croisées, debout non loin de la porte du cabinet, elle tournait le dos à la fenêtre. Son visage était dans une ombre presque noire ; mais ses yeux hardis regardaient le jeune homme avec une telle persistance interrogatrice, ses lèvres serrées exprimaient un tel dédain, une pitié si injurieuse, qu’il s’arrêta d’un air irrésolu.

« Vous avez quelque chose à me dire ? » fit-il.

Marianne resta un moment sans répondre.

« Non… Eh bien, oui ! Mais pas maintenant.

— Quand donc ?

— Nous verrons. Peut-être demain ; peut-être jamais… Après tout, je ne sais pas au juste ce que vous êtes.

— Il m’avait pourtant semblé, commença Néjdanof, qu’entre nous…

— Et vous, vous ne me connaissez pas du tout, interrompit Marianne. Mais attendez, demain peut-être. En ce moment, il faut que j’aille chez ma… maîtresse. À demain… »

Néjdanof fit deux pas pour s’en aller, puis se retourna brusquement.

« À propos, Marianne Vikentievna… j’ai voulu tous ces jours-ci vous demander la permission d’aller à l’école avec vous, pour voir quelles y sont vos occupations… en attendant qu’on la ferme.

— Fort bien… Mais ce n’est pas de l’école que je voulais vous parler.

— Et de quoi donc ?

— Demain, » répéta Marianne.

Mais elle n’attendit pas le lendemain. La conversation qu’elle voulait avoir avec Néjdanof eut lieu le même jour, dans une des allées de tilleuls qui commençaient non loin de la terrasse.