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Page:Tourgueniev - Étranges histoires (Étrange histoire ; Le roi Lear de la steppe ; Toc, Toc, Toc ; L’Abandonnée), 1873.djvu/110

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n’y faisais pas grande attention cette fois. Je savais que le bois de Ieskovo arrivait presque à l’habitation de Kharlof, jusqu’à la haie de son jardin, et je me dirigeai de ce côté, sans savoir au juste de quelle façon j’y pourrais pénétrer, ni même si je ferais bien de l’essayer, puisque ma mère était en délicatesse avec les nouveaux maîtres du domaine.

Tout à coup j’entendis des pas à quelque distance de moi. J’écoutai ; quelqu’un se dirigeait de mon côté.

« Tu aurais dû prévenir…, dit une voix féminine.

— Allons donc ! répondit une voix d’homme ; est-ce qu’on peut tout faire à la fois ? »

Ces voix m’étaient connues. Une robe bleue apparut à travers les noisetiers déjà privés de leurs feuilles, un cafetan de couleur sombre se montra près d’elle ; puis Evlampia et Slotkine sortirent à cinq pas de moi sur la clairière où je me trouvais. Tous deux se troublèrent à ma vue. Evlampia se retourna aussitôt et disparut dans les broussailles. Quant à Slotkine, il hésita un moment, puis s’approcha de moi. Son visage n’offrait plus la moindre trace de cette humilité obséquieuse avec laquelle, quatre mois avant, il frottait dans ses mains la gourmette de mon cheval en le promenant dans la cour de son beau-père ; cependant je n’y vis pas non plus cet air de défi insolent qui m’avait tant frappé la veille.

« Avez-vous tué beaucoup de bécasses ? me demanda-t-il en soulevant sa casquette et en passant sa