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Page:Tourgueniev - Étranges histoires (Étrange histoire ; Le roi Lear de la steppe ; Toc, Toc, Toc ; L’Abandonnée), 1873.djvu/147

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— Martin Petrovitch, mon petit frère, pardonnez, soyez généreux, balbutia Souvenir.

— Père, père chéri.

— Tais-toi, chienne ! » Et, pour répondre à Souvenir, il cracha de son côté.

En ce moment, Lisinski avec sa suite montée sur trois télégas, apparut devant la porte de l’enclos. Les chevaux fatigués soufflaient avec force, et les hommes se hâtèrent de sauter l’un après l’autre dans la boue.

« Oh ! oh ! cria Kharlof d’une voix tonnante, une armée, toute une armée contre moi ! C’est bien. Seulement, je préviens que quiconque viendra me rendre visite sur mon toit, je le renverrai la tête en bas. Je suis un maître de maison pointilleux, et je n’aime pas les visiteurs qui viennent me déranger. »

Il s’accrocha des deux mains à la paire de solives qui forment sur le devant du toit ce qu’on nomme les jambes du fronton, et se mit à les secouer de toute sa force. Penché sur le fond du plancher, il leur imprimait des saccades en mesure, chantonnant comme le font les bourlaki qui s’attellent aux bateaux sur les fleuves :

« Encore un coup, encore un… ouh ! »

Slotkine courut à Lisinski pour reprendre ses doléances ; l’autre le repoussa brusquement : il se préparait à exécuter le plan qu’il avait imaginé. Lui-même se plaça devant la maison et, pour faire diversion, entama une causerie avec Kharlof, lui