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Page:Tourgueniev - Étranges histoires (Étrange histoire ; Le roi Lear de la steppe ; Toc, Toc, Toc ; L’Abandonnée), 1873.djvu/189

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cinq cachets. J’hésitai ; cependant, machinalement je pris la lettre. Téglew mit sur-le-champ la moitié de la rue entre lui et moi.

« Attendez, restez, lui dis-je, où allez-vous ? Venez-vous d’arriver à l’instant ? Qu’est-ce que c’est que cette lettre ?

— Vous promettez de la remettre à son adresse, dit Téglew ; » et il s’éloigna encore de quelques pas.

Le brouillard estompait sa silhouette.

« Vous me le promettez ?

— Je vous le promets, mais d’abord… »

Téglew s’éloigna encore et ne fut plus qu’une longue tache sombre. — Adieu, dit sa voix, adieu, Riedel, ne gardez pas de moi un mauvais souvenir… et n’oubliez pas Siméon…

Et la tache disparut.

C’était trop fort. Oh ! maudit phraseur, pensai-je, faudra-t-il toujours que tu cherches à faire de l’effet !

Cependant, j’éprouvais une impression pénible ; une crainte involontaire resserrait ma poitrine. Je jetai mon manteau sur mes épaules, et je sortis.

XII

Mais où aller ? Le brouillard m’entourait de tous côtés. À cinq ou six pas il était encore assez translucide, mais plus loin il s’épaississait en une sorte de muraille molle et blanche comme de la ouate. Je tournai à droite dans la petite rue du village, qui s’arrêtait là : notre maison était l’avant-dernière. Au delà