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Page:Tourgueniev - Étranges histoires (Étrange histoire ; Le roi Lear de la steppe ; Toc, Toc, Toc ; L’Abandonnée), 1873.djvu/324

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L’Abandonnée.

dit-il. Et il indiqua impatiemment tantôt la porte, tantôt la fenêtre. Donnez les ordres nécessaires et vite ! Der kerl schreit so ![1]

— Ce Fictor crie toujours, Ivan Demïanitch, répondit-elle, J’ai déjà ordonné au cocher d’atteler, mais c’est qu’il fait justement manger le cheval. Quel malheur imprévu nous a frappés ! ajouta-t-elle en s’adressant à moi ; qui aurait pu s’attendre à cela de la part de Susanne ?

— Je m’y suis toujours attendu, toujours ! cria Ratsch en levant les bras, de sorte que sa robe de chambre s’entr’ouvrit et laissa voir de vilains caleçons en cuir de chamois et à boucles de fer. Une rupture au cœur ! Une brisure des membranes ! De l’hypertrophia cardialis !

— Oui, de l’hypo… comme il vous dit. » Éléonore ne put répéter le terme employé par son mari. « Moi, je regrette beaucoup, beaucoup, je dois le dire… »

Ici les traits mous de son visage se contractèrent peu à peu, ses sourcils se relevèrent piteusement et une chétive larme roula sur sa joue pleine, vernie comme celle d’une poupée.

« Oui, je regrette beaucoup qu’une créature si jeune, qui aurait pu vivre longtemps encore et jouir de tout… de tout… Mais voilà soudain ce désespoir…

— C’est bon, c’est bon ; va, ma vieille, dit M. Ratsch en l’interrompant.

  1. Le gaillard fait un bruit… En allemand dans l’original. (N. du trad.)