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Page:Tourgueniev - Étranges histoires (Étrange histoire ; Le roi Lear de la steppe ; Toc, Toc, Toc ; L’Abandonnée), 1873.djvu/89

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roles, tandis que Gitkof se passa la langue sur les lèvres. Evlampia le regarda de travers. L’expression dédaigneuse habituelle à Evlampia comme à toute beauté russe avait pris une nuance plus marquée. Kharlof se réservait à lui-même le droit d’habiter les chambres qu’il occupait en ce moment, et s’attribuait, sous le nom de dotation, « l’entretien complet de toutes provisions naturelles » et dix roubles par mois pour ses vêtements et sa chaussure. Puis il voulut lire lui-même la dernière phrase de sa rédaction personnelle.

« Que cette volonté paternelle, disait cette phrase, soit accomplie par mes filles saintement et inébranlablement, comme une loi de Dieu, car, après Dieu, je suis leur père et leur chef, et n’ai de compte à rendre à personne, pas plus que je n’en ai jamais rendu ! Et si mes filles accomplissent ma volonté, ma bénédiction paternelle sera sur leur tête ; si elles n’accomplissent pas ma volonté, — ce dont Dieu nous garde ! — ma malédiction les frappera à présent, et toujours, et dans toute l’éternité. »

Kharlof éleva le papier et l’agita sur sa tête. Anna, aussitôt, se jeta à genoux et frappa la terre de son front. Son mari roula à côté d’elle.

« Et toi ? » dit Kharlof à Evlampia.

Celle-ci rougit et se baissa aussi jusqu’à terre. Gitkof se courba en deux en écartant les bras.

« Allons, levez-vous, dit Kharlof, et signez ici, en montrant du doigt le bras de la feuille… ici : Je re-