Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/332

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Je marchai sur ses traces. Nous traversâmes une petite cour et nous montâmes les degrés chancelants d’un perron en bois. Le vieillard poussa la porte : elle n’avait pas de serrure ; une corde à nœuds était passée par un trou. Nous entrâmes dans la maison. Cinq ou six chambres basses, rien de plus, et, autant que je pus les distinguer à la faible lumière qui pénétrait à travers les fentes des volets, les meubles de ces chambres étaient très simples et très vieux. Dans l’une de ces pièces (justement celle qui donnait sur le jardin), il y avait un misérable petit piano… Je soulevai le couvercle bombé et fis résonner les touches. Un son aigre et enroué s’en échappa et s’évanouit languissamment, comme s’il se fût plaint de ma hardiesse. Rien ne dénotait que cette maison vint d’être habitée ; elle avait même une odeur de moisi et de renfermé. Par-ci par-là traînait quelque papier, témoignant par sa blancheur qu’il n’y était pas depuis longtemps. J’en ramassai un ; c’était sans doute un fragment de lettre. Une main de femme y avait tracé d’une écriture ferme ces mots : « se taire ! » Je déchiffrai sur un autre fragment le mot « bonheur… » Un bouquet de fleurs à demi fanées baignait dans un verre placé sur un guéridon auprès de la fenêtre ; un ruban vert froissé gisait à côté. J’emportai le ruban… Loukianitch ouvrit une porte étroite formée d’une cloison tapissée.

– Voilà, dit-il en étendant la main, voilà la chambre à coucher, plus loin celle de la femme de chambre, et puis c’est tout.