Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/339

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la justice… On le détacha de la corde : elle avait douze nœuds.

– Et qu’a fait la justice ?

– Oui, qu’a-t-elle fait ? Rien. On réfléchissait pour trouver quel motif il pouvait avoir : de motif, il n’en avait pas. On décida alors qu’il n’avait pas dû avoir toute sa raison. Dans les derniers temps, il souffrait souvent de la tête.

Je passai encore environ une demi-heure à causer avec le jeune garçon et m’en allai enfin, complètement troublé. J’avoue que je ne pouvais plus regarder cette maison délabrée sans une terreur superstitieuse… Je quittai la campagne un mois après, et j’oubliai peu à peu et ces rencontres et ces terreurs.



II


Trois années s’étaient écoulées. J’avais passé une grande partie de ce temps soit à Pétersbourg, soit en France, et, si j’étais allé chez moi à la campagne, je n’avais pas été une seule fois ni à Glinnoë ni à Michaïlovskoë. Je n’avais vu nulle part ni mon inconnue ni son cavalier. Il m’arriva, à la fin de la troisième année, de rencontrer dans une soirée, à Moscou, Mme Chlikof et sa sœur, Pélagie Badaef, cette même Pélagie que, dans mon absurdité, je m’étais toujours