Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/340

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figuré n’être qu’une personne imaginaire. Ces deux dames n’étaient plus de la première jeunesse ; elles possédaient néanmoins ce qu’on nomme un extérieur agréable ; leur conversation était spirituelle et gaie ; elles avaient beaucoup voyagé, et voyagé avec fruit ; mais il n’y avait décidément rien de commun entre elles et mon inconnue. Je leur fus présenté. Je me mis à causer avec Mme Chlikof, tandis que la sœur engageait une discussion avec un géologue étranger. Je lui appris que j’avais le plaisir d’être un de ses voisins, du district de X…

– Ah ! j’y ai un petit bien, répondit-elle, près de Glinnoë.

– Certainement, répliquai-je, je connais votre Michaïlovskoë. Y allez-vous quelquefois ?

– Rarement.

– N’y étiez-vous pas il y a trois ans ?

– Attendez ! Il me semble que j’y étais. Oui, certainement, j’y étais.

– Avec votre sœur, ou seule ? Elle me regarda.

– Avec ma sœur. Nous y avons passé une semaine. Nous y étions pour affaires. Du reste, nous n’y avons vu personne.

– Il me semble qu’il y a peu de voisins.

– Fort peu.

– Dites-moi, c’est bien chez vous qu’il y a eu un malheur dans le temps ?… Loukianitch ? Les yeux de Mme Chlikof se remplirent de larmes.