Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/112

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pour faire rire ces dames, pour dire quelque chose de plaisant. Mais il ne s’agit pas de cela. Je viens de dire qu’il faut retourner tout à fait en arrière. Comprenez-moi. Je ne suis pas ennemi de ce qu’on appelle le progrès, mais toutes ces universités, ces séminaires, ces écoles populaires, ces étudiants, ces fils de prêtres, ces roturiers, tout ce fretin, tout ce fond du sac, la petite propriété, pire que le prolétariat (le général débitait tout cela sur le ton le plus langoureux), voilà ce qui m’effraye… voilà où il faut s’arrêter et arrêter les autres. (Il jeta de nouveau sur Litvinof un regard aimable.) Oui, il faut enrayer. N’oubliez pas que personne chez nous ne réclame rien, ne prétend à aucun de ces soi-disant droits… Le self government, par exemple, est-ce que quelqu’un le souhaite ? Est-ce vous qui le désirez ? est-ce toi ou vous, mesdames, qui ne vous gouvernez pas seulement vous-mêmes mais faites encore de nous ce que vous voulez ? — Un malin sourire éclaira le charmant visage du général. — Chers amis, pourquoi faire comme le lièvre qui se jette dans le danger pour l’éviter ? La démocratie est satisfaite de vous… pour le moment elle vous encense, elle est prête à entrer dans vos vues… mais c’est un glaive à deux tranchants. L’ancien système est meilleur… bien plus sûr. Ne laissez pas la racaille raisonner, confiez-vous dans l’aristocratie, qui seule est une force… Je vous certifie que cela ira mieux. Pour le progrès… je n’ai absolument rien contre le progrès. Seulement ne nous donnez pas des avo-