Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/129

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vous venez de vous exprimer. Précisément. Nous reviendrons sur cet éclat ; maintenant, racontez-moi beaucoup de choses et pendant longtemps ; personne ne nous dérangera. Ce sera ravissant, ajouta-t-elle, en s’installant gaiement dans un fauteuil. Eh bien ! commencez.

— Avant de raconter, je dois vous remercier, dit Litvinof.

— Pourquoi ?

— Pour le bouquet qui s’est trouvé dans ma chambre.

— Quel bouquet ? Je ne sais rien.

— Comment ?

— Je vous le répète, je ne sais rien, mais j’attends votre récit… Ah ! comme Potoughine est spirituel de vous avoir amené.

Litvinof ouvrit les oreilles.

— Vous connaissez depuis longtemps ce M. Potoughine ? lui demanda-t-il.

— Depuis longtemps… ; mais racontez.

— Et vous le connaissez intimement ?

— Oh oui ! — Irène soupira. — Cela tient à des circonstances particulières… Vous avez sûrement entendu parler d’Élise Belsky, celle qui est morte si tragiquement il y a deux ans… ; mais j’oublie que vous ne connaissez pas nos histoires, et je vous en félicite. Oh ! quelle chance ! voici enfin un homme, un être vivant, qui ne sait rien de ce qui se passe au milieu de nous ! Et on peut s’entretenir avec lui en russe, en russe incorrect, mais toujours préférable