Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/234

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conversation de la veille. Tout à coup quelque chose d’impalpable et d’intense le toucha ; si un souffle venait de l’ombre qui s’avance, il ne serait pas plus insaisissable ; Litvinof sentit cependant tout de suite que c’était Irène qui approchait ; en effet, elle apparut à quelques pas de lui, donnant le bras à une autre dame, leurs yeux se rencontrèrent aussitôt. Irène remarqua probablement quelque chose de bizarre dans l’expression du visage de Litvinof : elle s’arrêta devant un bazar d’horloges de la Forêt Noire, l’appela d’un signe de tête, et, lui montrant une de ces horloges, comme pour lui faire admirer son cadran colorié, surmonté d’un coucou, elle lui dit de sa voix ordinaire, comme si elle achevait une phrase commencée :

— Venez dans une heure, je serai seule.

Dans ce moment, accourut auprès d’elle le fameux m’sieu Verdier, il tomba en extase devant la couleur feuille morte de sa robe, devant le petit chapeau espagnol qui touchait ses sourcils… Litvinof disparut dans la foule.