à tout, que tes précédentes occupations n’ont plus de but ; et voilà que je me demande si un homme peut vivre uniquement d’amour. Ce sentiment ne le fatiguera-t-il pas, ne désirera-t-il pas reprendre une vie plus active, et n’en voudra-t-il pas à ce qui l’en a éloigné ? Voilà la pensée qui m’effraye, voilà ce qui me fait pleurer, et non ce que tu supposes. Litvinof regarda attentivement Irène, et celle-ci le regarda aussi attentivement ; chacun d’eux cherchait à plonger profondément dans l’âme de l’autre, chacun cherchait à pénétrer au delà de ce que la parole parlée peut trahir ou cacher.
— C’est à tort, commença Litvinof ; je me suis sans doute mal exprimé. L’ennui ! l’inaction ! avec les nouvelles forces que me donnent ton amour ? Ô Irène, crois-le bien, l’univers entier est pour moi dans ton amour, et moi-même je ne puis encore pressentir tout ce qu’il peut produire.
Irène devint pensive.
— Où irons-nous donc ? murmura-t-elle.
— Où ? nous en causerons… Ainsi, tu consens ?
Elle le regarda.
— Et tu seras heureux ?
— Ô Irène !
— Tu ne regretteras rien ? Jamais ?
Elle se pencha sur le carton à dentelles, et se mit à les ranger.
— Ne te fâche pas de ce qu’en un pareil moment je m’occupe de telles bagatelles. Je suis obligée d’aller à un bal chez une dame ; on m’a envoyé ces