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CHAPITRE VI


En 1850 vivait à Moscou, dans une situation touchant à la misère, la nombreuse famille des princes Osinine. Ce n’étaient pas des Tatars ou des Géorgiens, mais de vrais princes russes, descendants de Rurik en ligne mâle directe et légitime. Leur nom se rencontre fréquemment dans nos annales, au temps des premiers grands princes de Moscou ; ils possédaient de vastes domaines, avaient plus d’une fois reçu des terres en récompense de leur vaillance, ils siégeaient au conseil des boyards ; mais, méchamment accusés de sorcellerie, ils tombèrent en disgrâce : on les ruina sans merci, on leur enleva toutes leurs dignités, on les exila au loin, et, une fois la maison des Osinine ébranlée, rien ne put lui faire retrouver son antique éclat ; avec le temps, le séquestre sur ses biens-fonds fut levé, on lui restitua ses biens mobiliers à Moscou, mais appauvrie, « desséchée, » elle ne se releva ni sous Pierre Ier ni sous Catherine II, et, déclinant sans cesse, elle comptait déjà parmi ses membres des régisseurs, des surveillants de débit d’eau-de-vie et des commissaires de police. La branche dont