Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/113

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notre système d’éducation. J’y ai déjà pensé ; nos femmes sont très-mal élevées.

— Vous n’en ferez rien de bon, dit Sitnikof. Il faut les mépriser, et je les méprise souverainement et complètement ! (Sitnikof aimait à mépriser et à exprimer ce sentiment ; il tombait principalement sur ce qu’il appelait le sexe, sans se douter qu’il lui était réservé de ramper quelques mois après devant sa femme, uniquement parce qu’elle était née princesse.) Il n’y en a pas une seule qui puisse s’élever à la hauteur de notre conversation ; il n’y en a pas une seule qui vaille la peine d’occuper des hommes sérieux comme nous !

— Je ne vois pas qu’il leur soit nécessaire de comprendre notre conversation, dit Bazarof.

— De qui parlez-vous ? demanda Evdokia.

— Des jolies femmes.

— Comment ! vous partagez donc les idées de Proudhon ?

Bazarof se redressa d’un air dédaigneux.

— Je ne partage les idées de personne ; j’ai ma manière de voir en propre.

— À bas les autorités ! s’écria Sitnikof, heureux d’avoir une occasion de se prononcer énergiquement en présence d’un homme dont il était le très-humble valet.

— Mais Macaulay lui-même, dit madame Koukchine…

— À bas Macaulay ! s’écria Sitnikof d’une voix tonnante ; vous prenez le parti de ces femmelettes ?