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PREMIER AMOUR

étrange, un sentiment plus fort que la curiosité, même plus fort que la jalousie, plus fort que la peur, m’arrêta. Je continuai à regarder et je m’efforçai d’écouter.

Il me semblait que mon père exigeait quelque chose, et Zinaïda résistait. Même, dans cet instant, je revois encore la figure de la jeune fille, triste, sérieuse, belle et avec une inexprimable expression de dévouement, d’amour et de désespoir ; je ne peux pas trouver de mots. Elle fit entendre quelques sons sans lever les yeux, et sourit en gardant à la fois un air de soumission et d’entêtement.

Dans ce sourire je retrouvai tout à fait ma Zinaïda de jadis. Mon père haussa les épaules et rajusta son chapeau, ce qui avait toujours été chez lui signe d’impatience, puis on entendit ces mots :

« Vous devez vous séparer de cette… » Zinaïda se redressa et avança le bras… Tout à