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PREMIER AMOUR

Au fond elle n’en faisait pas beaucoup de cas ; et, après avoir écouté ses épanchements, elle l’obligeait à lire des vers de Pouchkine pour, comme elle le disait, « rafraîchir l’air ».

Louchine, railleur et cynique en paroles, la connaissait mieux que tous les autres, et il l’aimait plus que tous les autres, bien qu’il la malmenât, qu’elle fût présente ou non.

Elle l’estimait, mais elle ne se gênait pas pour lui tenir tête ; et parfois, avec un plaisir particulier et méchant, elle lui faisait sentir que lui aussi était dans ses mains.

— Je suis une coquette ; je n’ai pas de cœur ; j’ai une nature d’actrice, — lui dit-elle un jour en ma présence, — c’est entendu. Maintenant, donnez votre main et j’y enfoncerai une épingle ; vous aurez honte devant ce jeune homme, et malgré le mal que vous éprouverez, vous, monsieur l’homme sincère, vous rirez quand même.