Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/109

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cette grosseur seroit desgréable, c’est qu’ils pourroient à peine s’aider de leurs bras ; elles descendent jusques sur le poignet et elles sont retrousées avec un parement assez large qui est d’une fourrure pareille à celle dont la veste est doublée. Les fourrures ordinaires sont de peau de Renard, de Martre, de petit gris : les plus belles sont, ou de queuës de Martre Zibeline bien foncées et presque noires, ou de gorges de Renard de Moscovie, blanches à ébloüir : ces dernieres sont tres cheres, parce qu’il faut un grand nombre de queuës de Martres, ou de gorges de Renard pour fourrer une veste : elles coustent depuis cinq cens écus jusqu’à mille ; les plus cheres reviennent à quatre ou cinq mille livres. Les vestes sont de drap d’Angleterre, de France, ou de Hollande, écarlatte, couleur de musc, couleur de caffé, ou vert d’olive, et descendent jusques aux talons comme les robes des anciens.

Le Turban ou Saric est composé de deux pieces, c’est à dire du bonnet et de la sesse ou linge qui est autour. Les Turcs nomment le linge Tulbend, d’où nous avons fait Turban. Le bonnet est une maniere de toque rouge ou verte, sans bords, assez plate, quoique arrondie par dessus, matelassée, pour ainsi dire, avec du coton, mais elle ne couvre pas les oreilles : on roule autour de cette toque un linge de cotton fort clair, lequel fait differens tours en divers sens. Il y a de la science à savoir donner le bon air aux turbans, et c’est un mestier en Turquie, comme chez nous de vendre des chapeaux. Les Emirs qui se vantent de descendre de la race de Mahomet, portent le turban tout verd, celui des autres Turcs est ordinairement rouge avec la sesse blanche. Il faut changer souvent de turban pour être propre : à tout prendre cet habit ne laisse pas d’estre assez commode, et je m’en accommodois mieux que de mon habit à la françoise.