Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/110

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Les Turcs prennent beaucoup de soin et font grand cas des belles barbes. Chez eux une des plus grandes marques d’amitié, c’est de se baiser en se prenant la barbe ; comme aussi c’est une injure atroce d’arracher le poil de la barbe à quelqu’un, ou de la lui couper. Quand ils jurent, c’est par leur barbe. Les gens de Loy seroient méprisez s’ils n’avoient pas de la barbe. Ceux qui s’attachent aux armes se contentent de porter une belle moustache, et se piquent d’avoir de beaux crochets. La maniere de saluer chez les Turcs, c’est de faire une legere inclination de tête, et de porter en même temps la main sur le cœur en souhaitant mille benedictions, et appellant freres ceux que l’on salüe. Quand c’est un homme de distinction, on s’avance jusques à lui sans se courber ; et quand on est à portée on se baisse pour prendre l’un des bouts du devant de sa veste, que l’on leve à la hauteur d’environ un pied et demi ; on baise par respect, ou bien on laisse tomber ce bout de veste, suivant la qualité des personnes : lors qu’on a fait son compliment, ou qu’on a parlé d’affaires on se retire aprés avoir observé la même cérémonie.

Dans les simples visites on ne fait que porter la main sur le cœur ; on se place les pieds croisez sur le sopha, qui est une estrade un peu élevée ; on presente ordinairement des pipes toutes allumées tres propres, et dont les tuyaux ont deux ou trois pieds de long, lesquels par conséquent ne laissent monter à la bouche que la fumée la moins acre, déchargée de cette huile fœtide qui brûle la langue et enflame le palais lors qu’on fumeavec des pipes courtes ; d’ailleurs on fume dans le Levant le plus agréable tabac du monde ; ordinairement c’est du tabac de Salonique, mais celui des côtes d’Asie est encore meilleur, et sur tout celui de Syrie, qu’on appelle tabac de l’Ataxi ou l’Ataquie, parce qu’on le cultive autour de l’ancienne