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ville de Laodicée. Les Turcs mêlent du bois d’aloës ou d’autres parfums parmi ce tabac, mais cela le gâte. Les noix de leurs pipes sont plus grosses et plus commodes que les nôtres. Celles de Negrepont et de Thebes sont d’une terre naturelle que l’on taille avec un couteau en sortant de la carriere, et qui se durcit dans la suite. Aprés le tabac on presente aussi le caffé et le sorbet ; le caffé est excellent, mais ils n’y mettent jamais de sucre, soit par avarice, ou parce qu’ils le trouvent meilleur tout naturel. Outre le tabac, chez les gens de qualité on donne aussi le parfum. Un esclave fait brûler des drogues sous vôtre nez, tandis que d’autres tiennent un linge sur vôtre tête pour empêcher que la fumée ne se dissipe trop vîte ; il faut être fait à ces odeurs, autrement elles ne laissent pas d’être nuisibles.

La pluspart des visites se passent en pareilles cérémonies. Il ne faut pas avoir beaucoup d’esprit pour se tirer d’affaire ; la bonne mine et la gravité tiennent lieu de merite parmi les Orientaux, et trop de brillant gâteroit tout : ce n’est pas que les Turcs ne soient gens d’esprit, mais ils parlent peu, et se piquent plus de sincerité et de modestie que d’éloquence. Il n’en est pas de même parmi les Grecs qui sont des parleurs impitoyables. Quoique ces deux nations naissent sous le même climat, leur humeur est plus differente que si elles étoient bien éloignées les unes des autres ; et l’on n’en sauroit rapporter la cause qu’à la differente éducation qu’on leur donne. Les Turcs ne disent point de paroles inutiles ; les Grecs au contraire ne cessent de parler. En hiver ils passent des journées entieres dans les Tendours ; c’est là où se tiennent les grands caquets et le prochain n’y est pas épargné. Ces Tendours sont des tables garnies de bois par les côtez, dans lesquelles ils s’enferment jusques à la ceinture, hommes