Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/116

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homet ; mais ils ne connoissent ni les cartes ni les dez ; ils joüent quelquefois aux dames. Le Mancala est leur jeu favori, c’est une table à deux battans comme un damier, laquelle a six fossettes de chaque côté. On n’y joüe que deux, et chacun prend 36 coquilles dont il garnit les six creux qui sont de son côté.

Les plus habiles Musulmans s’occupent à la lecture de l’Alcoran et de ses Commentateurs. Les autres s’attachent à la Poësie, où l’on dit qu’ils réussissent bien. Je n’en suis pas surpris ; le sang des plus beaux genies que l’Asie et la Grece ont autrefois produit, coule encore dans leurs veines, ou au moins reçoit-il les mêmes influences du ciel. La Musique fait les délices de quelques Turcs ; quelques-uns passent toute la journée à joüer d’un instrument sans s’ennuyer, quoiqu’ils ne fassent que repeter les mêmes airs. Les Dervis sont grands musiciens et grands danseurs : mais il faut faire quelque mention de gens de Loi avant que de parler des Religieux.

Le Moufti qui est à la tête des gens de Loi, est le Chef de la religion et l’interprete de l’Alcoran. Le Sultan le nomme et ne le dépose gueres : il choisit un homme de probité, sçavant dans la connoissance de la Loi, et dont la réputation soit bien établie. Par ce choix il devient l’Officier le plus respecté de l’Empire ; c’est l’Oracle du pays, et l’on s’en tient à toutes ses décisions, lesquelles ne se font que par un ouï ou par un non, qu’il met au bas de la question proposée. Il a pour cela trois Officiers ; l’un qui établit bien l’état de la question, aprés l’avoir débarrassée de toutes les difficultez qui pourroient la rendre obscure ; l’autre en fait la copie, et le dernier y applique le cachet de son maître, lorsqu’il a mis sa réponse : cette réponse leve toutes les difficultez, il n’y a plus d’appel, et l’affaire est terminée pour toujours. Quand il s’agit de