Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/123

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stantinople et des meilleures villes de l’Empire ; on grave l’epitaphe du défunt sur la pierre qui est aux pieds de la fosse. Le Chef-d’œuvre des plus habiles maîtres c’est de faire un tombeau pour les plus grands Seigneurs ; en quoi cependant ils réussissent mal, car ils travaillent sans science et sans aucun goût. Ordinairement on va foüiller dans les ruines des anciennes villes pour chercher des bouts de colomnes ou quelques vieux marbres propres à marquer les fosses. Ceux qui aiment les inscriptions ne doivent pas négliger les Cimetieres, parceque les Turcs, les Grecs et les Armeniens y portent les plus beaux marbres ; ces cimetieres sont d’une étenduë prodigieuse, car on n’enterre jamais deux personnes dans la même fosse, et le terrein qu’occupent ceux qui sont aux environs de Constantinople, produiroit, si l’on prenoit soin de le cultiver, assez de grains pour nourrir cette grande ville pendant la moitié de l’année ; on y trouveroit aussi des pierres en assez grande quantité pour faire une seconde enceinte à la ville.

Je ne connois pas assez les Religieux Turcs pour entrer dans le détail des differens Ordres qui sont parmi eux, car nous n’avons presque veû que ceux qu’on appelle Dervis. Ce sont de maîtres moines qui vivent en communauté dans des monasteres sous la conduite d’un superieur lequel s’applique particulierement à la predication. Ces Dervis font vœu de pauvreté, de chasteté et d’obéissance ; mais ils se dispensent aisément des deux premiers, et même ils sortent de leur Ordre sans scandale, pour se marier quand l’envie leur en prend. Les Turcs tiennent pour maxime, que la tête de l’homme est trop legere pour être long-temps dans la même disposition. Le General de l’Ordre des Dervis réside à Cogna qui est l’ancienne ville d’Iconium capitale de la Lycaonie dans l’Asie mineure. Othoman premier Empereur des Turcs erigea le supe-