Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/258

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une autre sorte de miel qui est nommé Mœnomenon, parce qu’il rend insensez ceux qui en mangent. On croit que les abeilles l’amassent sur la fleur du Rhododendros qui s’y trouve communément parmi les forêts. Les peuples de ce quartier-là, quoiqu’ils payent aux Romains une partie de leur tribut en cire, se gardent bien de leur donner de leur miel.

Il semble que sur ces paroles de Pline l’on peut déterminer les noms de nos deux especes de Chamærhododendros. La premiere, suivant les apparences, est l’Ægolethron de cet auteur, car la seconde qui fait les fleurs purpurines, approche beaucoup plus du Rhododendros, et l’on peut la nommer Rhododendros Pontica Plinii, pour la distinguer du Rhododendros ordinaire, qui est nôtre Laurier-Rose connû par Pline sous le nom de Rhododaphne et Nerium. Il est certain que le Laurier-Rose ne croît pas sur les côtes du Pont-euxin. Cette plante aime les pays chauds. On n’en voit gueres aprés avoir passé les Dardanelles, mais elle est fort commune le long des ruisseaux dans les Isles de l’Archipel ; ainsi le Rhododendros du Pont ne sçauroit être nôtre Laurier-Rose. Il est donc tres vraisemblable que le Chamærhododendros à fleur purpurine, est le Rhododendros de Pline.

Quand l’armée des Dix mille approcha de Trebisonde, il lui arriva un accident fort étrange et qui causa une grande consternation parmi les troupes, suivant le rapport de Xenophon qui en étoit un des principaux Chefs. Comme il y avoit plusieurs ruches d’abeilles, dit cet auteur, lors soldats n’en épargnérent pas le miel : il leur prit un dévoyement par haut et par bas suivi de réveries, en sorte que les moins malades ressembloient à des yvrognes, et les autres à des personnes furieuses, ou moribondes. On voyoit la terre jonchée de corps comme aprés une bataille ; personne néanmoins n’en mourut, et le mal cessa le lende-