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Lettre XVIII.

A Monseigneur le Comte de Pontchartrain, Secretaire d’Etat et des Commandemens de Sa Majesté, etc.

Monseigneur,

Les villes de ce pays-ci sont assez-bien policées et l’on n’y entend point parler de voleurs ; ils se tiennent tous à la campagne et n’en veulent qu’aux voyageurs ; on prétend même qu’ils sont moins cruels que nos voleurs de grands chemins. Pour moi je suis persuadé du contraire, et que l’on n’iroit pas bien loin si l’on s’exposoit seul ici sur une grande route. Si ces malheureux n’assassinent pas les gens, c’est faute d’en trouver l’occasion, car on ne marche qu’en bonne compagnie. Ces compagnies, qu’on appelle Caravanes, sont des convois ou assemblées de voyageurs, plus ou moins nombreuses suivant le danger. Chacun y est armé à sa maniére, et se deffend comme il peut dans l’occasion. Quand les Caravanes sont considérables, elles ont un Chef qui en ordonne la marche. On y est moins exposé au centre qu’à la queüe, et la meilleure précaution que l’on puisse prendre, n’est pas toujours d’attendre les Caravanes les plus nombreuses, comme la pluspart des voyageurs se l’imaginent ; c’est de profiter de celles où il y a beaucoup de Turcs et de Francs, c’est à dire gens propres à se bien deffendre. Les Grecs et les Armeniens n’aiment point à se battre : on les condamne souvent à payer le sang, comme l’on parle dans le