Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/410

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ge de la nature, qui au lieu de remparts de boüe, l’a munie d’un precipice effroyable, au fond duquel passe la riviere. Les portes du Château sont garnies de tole. Les sarrasines et les corps de garde paroissent assez bien entendus. L’ancienne ville étoit peut-être plus forte, mais elle fut détruite pendant les guerres des Turcs et des Persans. Mr Tavernier assûre qu’elle fut livrée à Sultan Mourat par trahison, et que les Turcs y laisserent vingt-deux mille hommes de garnison. Cependant Cha-Sefi Roy de Perse l’emporta de vive force : Il fut le premier à l’assaut, et les vingt-deux mille Turcs qui n’avoient pas voulu se rendre, furent taillez en piece. Mourat se vengea en Prince barbare dans Babylone ; il fit passer au fil de l’épée tous les Persans qui s’y trouvérent, quoiqu’il leur eût promis la vie par la capitulation.

Du costé du Midi sur une butte, à mille pas environ de la Citadelle, est le petit Fort de Quetchycala revêtu d’une double muraille ; mais ces sortes d’ouvrages craignent plus la pluye que le canon ; Quetchycala ressemble à ces forts de terre grasse que l’on construit quelquefois à Paris pour faire exercer les Académistes. Les canonieres de toutes les fortifications d’Erivan sont d’une structure assez singuliere ; elles avancent hors de la muraille en maniére de masque, d’un pied et demi de saillie, et sont terminées en capuchon ou en groin de cochon, ce qui met tout-a-fait à couvert la tête du soldat qui est commandé pour tirer. Cela n’est pas trop mal imaginé pour les poltrons ; mais aussi ils ne sauroient découvrir les ennemis que quand ils sont à portée et qu’ils viennent se placer justement où il faut pour se faire tuer, car si les assiégez attendent qu’ils soient arrivez au pied des murailles, ils ne peuvent plus tirer sur eux.

Mr Chardin qui a mieux connu Erivan et ses envi-