Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/411

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rons, qu’aucun de nos voyageurs, en décrit exactement les rivieres. Le Zengui coule au Nord-Ouest, et le Queurboulac au Sud-Ouest, formé par 40 fontaines, comme l’exprime son nom. Le Zengui vient du Lac d’Erivan à deux journées et demi de la ville ; mais je ne scai pas si c’est le même Zengui dont j’ay parlé ci-devant. Le Lac qui est profond et de 25 lieües de tour, est rempli de Carpes et de Truites excellentes, dont les Religieux, qui sont dans un Monastere bâti sur l’Isle qui est au milieu du Lac, ne profitent gueres, car il ne leur est permis d’en manger que quatre fois l’année, et ils ne peuvent parler entre eux que ces jours-là. Pendant le reste de l’année ils gardent un silence perpetuel, et ne mangent que les herbes de leur Jardin, telles que la nature les leur prepare, c’est à dire sans huile ni sel. Ces pauvres Moines sont comme autant de Tantales qui voyent à quatre doits de leur bouche d’excellens fruits sans y pouvoir toucher. Cependant l’ambition n’est pas tout-a-fait bannie de ce lieu ; le Superieur ne se contente pas de prendre le titre d’Archevêque, il prend aussi celui de Patriarche, et il se dispute même au Patriarche des Trois Eglises.

On passe le Zengui à Erivan sur un pont de trois arches, sous lesquelles on a pratiqué des chambres où le Kan, qui est le Gouverneur du pays, vient quelquefois se rafraîchir pendant les grandes chaleurs. Ce Kan tire tous les ans plus de vingt mille Tomans de la Province, c’est à dire plus de neuf cens mille livres monnoye de France, sans compter ce qu’il gagne sur la paye des troupes destinées pour garder la frontiere. Il est obligé de donner avis à la Cour, de toutes les Caravanes et de tous les Ambassadeurs qui passent. A l’égard des Ambassadeurs, la Perse est le seul pays que je connoisse, où ils soient entretenus aux dépens du Prince : rien, ce me semble, ne fait tant