Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/423

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vations qu’il faut établir des systemes. Par exemple on observe dans le mois d’Octobre au fond de l’oignon des Tulipes, une Tulipe entiere, sur la tige de laquelle, qui n’a pas encor trois lignes de haut, on découvre dêja la fleur qui ne doit paroître que dans le mois d’Avril suivant : on compte les six feüilles de cette fleur, les etamines, les sommets, le pistile ou le jeune fruit, les capsules et les semences qu’elles renferment. Qui ne croiroit aprés cela que toutes ces parties étoient renfermées dans un espace encore plus petit, qui n’a pû se rendre visible qu’à mesure que le suc nourricier en a dilaté les moindres parties ?

Les Oiseaux que nous voyions dans ces belles Plaines qui s’étendent jusques à la riviere, nous auroient peut-être fourni quelques observations utiles pour l’anatomie, si nous eussions eû un fusil pour les tuer. On y voit des especes de Heron qui n’ont pas le corps plus gros qu’un pigeon, et qui ont les jambes d’un pied et demi de haut. Les Aigrettes n’y sont par rares, mais rien n’approche de la beauté d’un Oiseau merveilleux dont je garde la dépoüille dans mon Cabinet, et dont j’ay veû la figure dans les livres des Oiseaux que l’on peint pour le Roy. Il est gros comme un Corbeau, ses ailes sont noires, les plumes du dos violettes vers le croupion ; celles qui s’étendent depuis cette partie jusques au col, sont tres-pointuës à leur extremité, et d’un vert admirable doré et luisant ; celles du col jusques vers le milieu sont d’un couleur-de-feu éclatant ; les autres qui couvrent le reste du col et toute la tête, sont d’un vert ébloüissant. Enfin la tête est relevée d’une houppe du même vert, haute d’environ quatre pouces, dont les plus longues plumes sont comme des palettes à long manche. Le bec de cet oiseau est brun, semblable à celui d’un corbeau. On pourroit avec plus de raison lui donner le nom de Roy des Corbeaux, qu’à ce-