Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/481

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donnérent s’appelle l’Ancienne Julfa. Les peuples de Nacsivan et des environs d’Erivan furent dispersez en differens endroits du Royaume. On asseûre que ce Prince fit passer plus de vingt mille familles d’Armeniens dans la seule Province de Guilan, d’où viennent les plus belles soyes de Perse.

Comme Cha-Abbas n’avoit d’autre veûë que d’enrichir ses États, et qu’il étoit convaincu qu’il ne le pouvoit faire que par le commerce ; il jetta les yeux sur la soye, comme la marchandise la plus pretieuse, et sur les Armeniens, comme gens les plus propres pour la débiter ; tres-mal satisfair d’ailleurs du peu d’application de ses autres sujets et de leur peu de genie pour le commerce. La frugalité des Armeniens, leur œconomie, leur bonne foi, leur vigueur pour entreprendre, et pour soutenir de grands voyages, lui parurent des talens propres pour son dessein. La Religion Chrétienne qui leur facilitoit la communication avec toutes les nations de l’Europe, lui parut encore une disposition assez favorable pour parvenir à ses fins. En un mot, de laboureurs qu’étoient les Armeniens, il en fit des marchands, et ces marchands sont devenus les plus celebres commerçans de la Terre.

C’est ainsi que ce Prince, dont le génie étoit fort étendu pour les affaires de la guerre et pour la politique, sçut profiter des talens de ses peuples et des marchandises du crû de son Royaume. Pour bien fonder le commerce il confia aux Armeniens de Julfa la Nouvelle, une certaine quantité de balles de soye pour faire voiturer par Caravanes dans les pays étrangers, et sur tout en Europe, à condition qu’il les accompagneroient eux-mêmes, et qu’à leur retour ils payeroient les balles au prix qui auroit eté arrêté, avant leur départ, par des personnes judicieuses. Pour les encourager à pousser ce commerce, il leur re-