Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/482

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mit tout ce qu’ils pouvoient gagner au delà du prix qui auroit eté fixé. Le succés répondit aux esperances du Prince et des marchands. Quoique la soye soit encore aujourd’hui la meilleure marchandise de Perse, elle étoit encore bien plus recherchée dans ce temps-là. Il n’y avoit presque pas de Meuriers en Europe ; par contre l’or et l’argent qui étoient alors fort rares en Perse, commencérent à y briller par le retour des Caravanes, de même que celles d’aujourd’hui font la richesse de ce Royaume. Les Armeniens, à leur retour, se chargérent aussi de draps d’Angleterre et de Hollande, de Brocards, de Glaces de Venise, de Cochenille, de Montres, et de tout ce qu’ils jugérent propre pour leur pays et pour les Indes. Peut-on voir un plus bel établissement ? à combien de Manufactures n’a-t-il pas donné naissance en Europe et en Asie ? Abbas le grand fit changer de face à toute la terre ; toutes les marchandises d’Orient furent connuës en Occident, et celles d’Occident servirent de nouvelle décoration à l’Orient.

Julfa la Nouvelle s’étendit bientôt sur la riviere de Zenderou. Il parut par la magnificence de ses Maisons et par la beauté de ses Jardins, que les habitans avoient pris le gout des meilleures villes d’Europe. On voit aujourd’hui au centre de la Perse ce qu’il y a de plus curieux dans les pays où ces marchands ont étendu leurs correspondances. Le Roy ne s’en mêle plus ; les bourgeois de Julfa, par le moyen de leurs procureurs ou agens, soutiennent ce grand commerce, et font distribuer dans le reste du monde tout ce qu’il y a de plus curieux en Orient. Ces procureurs sont des Armeniens qui se chargent, moyennant un certain profit, d’accompagner les marchandises en Caravane, et de les débiter au plus grand avantage de ceux qui les leur confient.