Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/484

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dont les Armeniens se chargent chez eux, sont de la farine, du biscuit, des viandes fumées, du beurre fondu, du vin, de l’eau de vie, des fruits secs.

Quand ils séjournent dans les villes, ils se mettent par chambrées et vivent à peu de frais. Ils ne vont jamais sans filets ; ils peschent sur les routes, et ils nous ont fait souvent manger d’excellens poissons. Ils troquent sur les chemins des épiceries pour de la viande fraîche, ou pour d’autres denrées qui leur conviennent. En Asie ils débitent la quinquaillerie de Venise, de France, d’Allemagne. Les petits miroirs, les bagues, les colliers, les émaux, les petits couteaux, les ciseaux, les épingles, les éguilles sont plus recherchez dans les villages que la bonne monnoye. En Europe ils portent du musc et des épiceries. Quelques fatigues qu’ils ayent, ils observent les jeûnes de l’Eglise comme s’ils étoient en repos dans une bonne ville, et ne connoissent pas de dispenses, même pendant leurs maladies. La seule chose qu’on peut reprocher aux Armeniens, en fait de commerce, c’est que lorsque leurs affaires tournent mal dans les pays étrangers où ils négocient, ils ne retournent plus chez eux ; ils ont beau dire que c’est parce qu’ils n’ont pas le front de se montrer aprés une banqueroute, cependant leurs creanciers n’en sçauroient tirer aucune raison ; mais d’un autre côté il faut leur rendre justice, les banqueroutes sont tres rares parmi eux.

Les Marchands de Julfa ont fait un Traité avec le Grand Duc de Moscovie pour faire passer dans ses États toutes les marchandises qu’ils trouveront à propos, et pour cela il n’est permis à aucun Marchand d’Europe, de quelque nation qu’il soit, d’avancer plus avant qu’à Astracan ville puissante que les Moscovites possedent depuis l’an 1554. Elle est située au delà de la mer Caspienne sur les frontieres de l’Asie et de l’Europe. Le Grand Duc