Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/92

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de sa manche sur lequel cet animal reposoit, que de l’éveiller en se levant, pour aller parler à la personne qui l’attendoit. Cependant les chats du Levant ne sont pas plus beaux que les nôtres, et ces beaux chats gris couleur d’ardoise y sont fort rares ; on les y porte de l’Isle de Malte où la race en est commune. Parmi les oiseaux, on regarde chez les Turcs les Tourterelles et les Cigognes comme des créatures sacrées, on n’oseroit les tuer ; les Grecs de l’Archipel au contraire sont tres friands des Tourterelles, et ils en font leur mets le plus délicat ; c’est en effet le gibier le plus délicieux du Levant, et il ne céde au Francolin qu’en grosseur, mais il faut les manger roties, car celles que l’on sale dans des barils comme les anchoyes, y perdent tout leur goût. Les Turcs croyent faire une œuvre de charité en achettant un oiseau en cage dans le dessein de lui donner la liberté, pendant qu’ils ne font aucun scrupule de tenir leurs femmes en prison, et nos esclaves à la chaîne. Ceux qui prennent ces oiseaux à la glu ou à quelqu’autre sorte de chasse, ne croyent pas pecher, parce que leur intention est de fournir, à ceux qui ont le moyen de les rachetter pour leur redonner la liberté, des occasions de faire de bonnes œuvres : ainsi chacun espere d’y trouver son compte devant Dieu, tant il est vray que la direction d’intention est naturelle à tous les hommes.

A l’égard des plantes, les plus devots chez les Turcs les arrosent par charité et cultivent la terre qui les a produites, afin qu’elles soient nourries plus grassement. On dit que Sultan Osman voyant de loin un arbre qui avoit la figure d’un Dervich, fonda une rente d’un aspre par jour pour payer un homme qui en prist soin. Quoiqu’il y ait de la simplicité, pour ne pas dire de la folie, à suivre l’exemple de cet Empereur, neanmoins ces bons Musul-