Page:Tremblay - L'hôpital public d'Ottawa, 1921.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
11

Sœur Bruyère et Sœur Thibodeau sont les deux principaux personnages qui ont fait de l’hôpital public d’Ottawa une institution viable, dans des conditions vraiment miraculeuses que nous allons maintenant examiner.

Nous emprunterons volontiers aux Annales des Sœurs Grises de la Croix. Le 27 février 1845, on lit ceci : « Nous avons commencé à soigner à domicile un grand nombre de malades pauvres ; nous en aurions davantage si nous avions des remèdes. Bon nombre de nos patients sont des bûcherons. »

N’y a-t-il pas quelque chose d’étonnant, pour nous, gens pratiques et matérialistes du Vingtième siècle, dans ce travail des petites nonnes ? Elles ne s’inquiètent jamais des moyens, mais voient la fin désirable, avec toute l’ardeur du désir — les soins à domicile se continueront jusqu’au 8 mai, alors que la clef de l’hôpital sera remise aux nouvelles occupantes. Déjà pourtant, une centaine d’enfants suivent les classes, et c’est là un appoint important pour les œuvres de charité qu’on veut accomplir. Les Annales racontent que les écoliers, pendant les heures de récréation, enthousiasmés par l’exemple des sœurs, cousent les oreillers et les matelas pour l’hôpital ; on bourre avec de la paille.

Le samedi, dixième jour de mai 1845, dernier jour de l’octave de la Sainte Croix, l’hôpital est inauguré. Le premier malade est un pulmonaire nommé Pierre Éthier. Les sœurs vont le chercher en triomphe, et l’annaliste écrit ce jour-là : « Ce fut pour nous un jour de fête. » Éthier était trop miséreux pour payer un sou, tant sa maladie prolongée l’avait appauvri ; il n’avait même plus d’amis en état de le garder. Son admission, son arrivée triomphante à l’hôpital, voilà le critère de l’institution. Pendant soixante-seize ans le pauvre sera toujours chez lui à l’hôpital catholique. Aujourd’hui ressemble au passé, le présent est le garant de l’avenir. Si les sœurs veulent agrandir leur maison, c’est pour donner plus de place aux malades pauvres, qui ont toujours représenté plus que la moitié du total des patients inscrits, depuis 1845. La comptabilité des frais et des recettes de chaque journée le prouve sans conteste.

L’hôpital ne reconnaît aucune distinction de race, de croyance, ou de couleur. Le 14 mai 1845 apporte un nègre de vingt et un