Page:Tremblay - La sépulture d'Étienne Brulé, 1915.djvu/13

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jours aux préparatifs. Du 12, date du départ, nous remontons au 8 juin.

Aénons, accusé du meurtre, nous fournira lui-même un renseignement exact. Ce chef désirait réunir plusieurs villages en une seule bourgade, autour des Jésuites. Il en parle au P. de Brébeuf (Rel., Vol. x, p. 236) :


… Les François ont touſiours eſté attachez à moy, & m’ont aymé, ie les ay auſſi touſiours aſſiſtez en tout ce que i’ay peu, & n’ont pas trouvé en toutes ces terres de meilleur ami que moy : ce n’a pas eſté ſans encourir l’enuie de tout le Païs, qui m’en regarde il y a long temps de mauuais œil, & a fait tout ce qu’il a peu pour me mettre à mal auprès de vous ; iuſques là que, comme vous ſçauez, on m’a imputé la mort de Brûlé, & incontinent après qu’il eut eſté tué, quand il fut question de deſcendre à Kébec, on diſoit haut & clair que ſi i’y allois i’y laiſſerois la teſte.


Incontinent après qu’il eut été tué est précis. Nous sommes à la veille du départ pour la traite, avant le 12 juin, et comme l’action huronne est toujours rapide après décision prise, il n’a pas dû s’écouler plus de quelques jours entre l’embarquement et le crime. Il reste donc une marge de douze jours entre la mise en marche de la flottille et la mort de Brûlé, plus de temps qu’il n’en faut pour les préparatifs, et pour nous trouver encore en deçà de l’époque fixée par Aénons incontinent après la tragédie de Toanché.

Les Hurons, sévèrement fidèles à leur patrie, ne croient pas avoir mal fait en tuant un traître, et ils comprennent pourquoi Champlain n’hésite pas à les tranquilliser, un peu plus tard, par la bouche de son délégué, Amantacha. La certitude de l’impunité complète les amène en groupe le 28 à Québec.

Nous croyons qu’Étienne Brûlé a été assommé et mangé au cours de la première semaine de juin 1633.


BRÛLÉ A ÉTÉ CONDAMNÉ PAR UN CONSEIL.


Le Frère Gabriel Sagard raconte la mort d’Étienne Brûlé. Les circonstances lui en étaient certainement plus familières que ne le comporte son bref récit (Hist., t. II, p. 431-432).


À la fin ce fortuné Bruſlé a eſté du depuis condamné à la mort, puis mangé par les Hurons, auſquels il auoit ſi long-temps feruy de Truchement, & le tout pour une hayne qu’ils conceurent contre luy, pour ie ne ſçay qu’elle faute qu’il commit à leur endroit, & voila comme on ne doit point abuſer de la bonté de ces peuples, ny s’aſſeurer par trop à leur patience, pour ce que trop exercée elle ſe change en furie, & ceſte furie en deſir de vengeance, qui ne manque iamais de trouuer ſon temps. Il y auoit beaucoup d’années qu’il demeuroit auec eux, viuoit quaſi comme eux, & ſeruoit de Truchement aux François, & après tout cela n’a remporté pour toute recompenſe (432) qu’vne mort douloureuſe & une fin funeſte & malheureuſe ; ie prie Dieu qu’il lui faſſe miſericorde, s’il luy plaiſt, & aie pitié de ſon ame.