Page:Tremblay - La sépulture d'Étienne Brulé, 1915.djvu/16

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transporter les nouveaux missionnaires à la Pointe (Rel., IX, 246). Il les traitait avec une courtoisie touchante (id., 250). Il se faisait l’avocat des Robes Noires dans les conseils de son propre pays, et même au plus fort des condamnations à mort prononcées contre tous les blancs lors de l’épidémie de 1636-37, il intercédait pour eux. Il fut baptisé le 6 août 1637 après un long postulat, par le P. Pijart, qu’il ramenait à Québec, et mourut aux Trois-Rivières des suites d’une indisposition prise en chemin, et négligée dans la hâte du voyage (Rel., XI, 134).

S’il était l’un de ceux qui tuèrent Brulé, Aénons devait avoir d’autres motifs que la vengeance personnelle. Les Sauvages embrassaient toute la tribu de l’Ours dans les accusations. Elle avait assassiné le Père Viel au Sault-au-Récollet, avec son disciple Auhaitsic (Rel. VIII, 238 ; x, 78), comme elle avait massacré Brulé. Les Algonquins voulaient dissuader les Jésuites d’aller en Huronie, surtout chez les Ours, et leur faisaient entrevoir un sort aussi misérable. Mais les Toanchains, connaissant ces rumeurs et ces médisances, considéraient la présence des missionnaires dans leur bourgade à l’égal d’un pardon (Rel., VIII, 98) :



Bref ceux de noſtre village me diſoient, si tu ne fuſſes reuenu, la traite des François eſtoit perdue pour nous : car les Algonquains, & même les Hurons des autres villages, ne nous menaçoiẽt que de mort, ſi nous y allions (à la traite), a cauſe du maſſacre de Bruſlé ; mais maintenant nous irons sãs crainte…


Les Jésuites étaient comme otages dans la Pointe. Plus d’un Huron craignait d’être arrêté à Québec pour ses fautes ou pour celles d’autrui, mais une alliance nouvelle s’affirmait dans le retour des prêtres (Rel., VIII, 102-104). Champlain oublia tout. Son froid silence le prouve. Après la semonce donnée à son interprète, en 1629, il cesse de s’occuper de lui.


LA CONDUITE DE BRULÉ CHEZ LES HURONS.


La mauvaise conduite de Brulé en Huronie est notoire. Il n’avait pas de piété, mais de fortes superstitions. Sa paillardise et son dévergondage étaient de nature à provoquer des plaintes. Venu avec le groupe de Rouen, dont on a dit tant de mal (Rel., xvii, 44 ; xx, 18 ; Champ., vi, 81), il avait les mœurs des premiers traitants et de leurs employés, gens pour la plupart sans aveu, qu’on retrouve soit chez les Français, soit encore dans les équipages des Kirkts, Rouennais qui prirent Québec pour le compte du roi d’Angleterre. Citons un acte religieux de Brulé (Sagard, Hist., t. II, p. 430) :



Il n’eſtoit guere deuot, teſmoin ce qu’il nous dit un iour, que s’eſtant trouué en un autre grand péril de la mort, pour toute prière il dit ſon Benedicité.