Page:Tremblay - La sépulture d'Étienne Brulé, 1915.djvu/17

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Le père de Louis Amantacha, exhorté par de Brébeuf, disait au missionnaire (Rel., x, 62) :



…les François qui auoient eſté icy (Teanaostaiaé), ne leur auoient iamais parlé de Dieu, ainsi s’eſtoiẽt eux meſmes adonnez comme eux à courir & folaſtrer auec les femmes.


De Brébeuf portera cette sentence sévère (id., 310) :



Véritablement il y’a dequoy admirer icy les ſecrets iugemens de Dieu ; car cet infâme (Brulé) auſſi bien ne méritoit pas cet honneur ; & pour dire le vray nous euſſions eu aſſez de peine à nous reſoudre de faire à ſon occaſion vn Cimetiere particulier, & de tranſporter en Terre ſaincte vn corps qui a mené vne vie ſi ſcandaleuſe dans le Païs, et donné aux Sauuages vne ſi mauuaiſe impreſſion des mœurs des François.


Qui n’a lu les remontrances de Champlain à son interprète ? Le récit de la capitulation de 1629 fourmille de plaintes contre Brulé. Inconduite, irréligion, trahison, le fondateur reproche tout au transfuge. On prétendra peut-être que les Ours ont pris leur temps pour venger le Grand Oki en tuant celui qui l’avait vendu et qui leur avait par la même occasion fait perdre la traite. De 1634 à la dispersion de 1650, les Jésuites ont été plus de cent fois condamnés à mort comme sorciers, en plein Conseil ; les Anciens ont poussé presque chaque jour la jeunesse au massacre des Robes Noires, mais les missionnaires ne s’en sont pas portés plus mal, la crainte du blanc était au fond de ces atermoiements.


UN ENNEMI DES HURONS.


Brulé, sans protecteur, sans amis, seul européen dans un milieu naturellement hostile, ne pouvait guère compter sur la patience admirable des Hurons, et encore fallut-il cinq ans de calomnies algonquines, de misère provoquée par la rupture de la traite, et enfin le retour des Français, pour établir un réquisitoire assez fort contre le truchement. À notre sens, la cause de Brulé commence en 1629. Les invectives de Champlain forment le premier chef d’accusation.

À la veille du départ des vaisseaux anglais pour Londres, Champlain, prisonnier des Kirkts, rencontra Brulé à Tadoussac, et lui démontra l’horreur de sa conduite envers ceux qui l’avaient jusqu’alors nourri, vêtu, payé, généreusement comblé des dons du pays ; envers la Patrie, qu’il avait lâchement vendue ; envers la religion qu’il avait abandonnée pour accepter la facile conscience des nouveaux maîtres. Marsolet partagea ces reproches, et le fondateur laissa ce message suivant à ses traîtres (Œuvres, VI, 267 — 1251) :



…ſi on vous attrappe vous qui eſtes ſuiets a vogayer, vous courez fortune d’eſtre pris & chaſtiez…