1783 ; son bisaïeul, également paternel, en 1750. Ce dernier, était par conséquent, né sujet du roi de France, et se rappelait vaguement la part prise par son père à l’héroïque résistance de la colonie contre l’invasion anglaise. Le fondateur de la famille avait dû faire partie du régiment de Carignan, ce qui semble attesté par l’existence d’un fief situé sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, fief qui perpétue encore de nos jours le nom patronymique de la famille.
Devenu sujet anglais en vertu d’un traité auquel il n’avait nullement participé, le bisaïeul de notre héros se dit que l’heure était aux transformations. Il était cultivateur ; il se fit potier, ce qui lui valut le sobriquet de Petit Potte et lui rapporta une fortune relativement considérable, si bien qu’il put laisser de belles terres à chacun de ses garçons et de ses filles.
Petit Potte n’était pas M. Jourdain, mais il faisait de la céramique sans le savoir. Il fabriquait non-seulement des pots de terre ordinaires, mais aussi, de belles faïences qu’il allait vendre à Montréal. J’ai souvent entendu le grand-père de Quéquienne raconter comment Petit Potte employait parfois ses enfants, et d’autres marmots, à triturer de leurs pieds nus la terre qui servait à la confection de ses produits.
Ceci se passait dans une paroisse que je ne veux pas nommer. J’aime à m’entourer de mystère. Elle était et elle est encore située sur la rive sud du fleuve, à dix lieues de Montréal et, à cinq lieues de Sorel.
Quand j’étais enfant, ce dernier endroit avait été plus ou moins légalement — débaptisé par des anglomanes trop zélés. Le nom de Fort William Henry, qu’on voulait lui imposer, n’a pas survécu.
La paroisse où florissait alors, la poterie de Petit Potte était, et elle est encore, je crois, canoniquement dédiée à la Trinité. Elle est plus connue sous le nom de Contrecœur, nom qu’elle a emprunté à l’un des brillants officiers du roi Très Chrétien.