— Mais il est bien fort. Il va me tuer. — Vous vous sauverez ; il sera trop saoul pour vous rejoindre.
Ses libations terminées, notre homme sortit pour aller détacher sa compagne de route. Il était un peu gris et il y avait de la glace ou de la boue détrempée sur le pavé de la remise.
Le pied lui glissa et il heurta le mendiant, lequel au bout de la laisse qui l’attachait au poteau, s’était porté à sa rencontre afin d’établir le contact prévu dans le plan concerté.
— Qu’est-ce que vous faites ici, vous ? Où est ma vache ? — Vout’ vache ? C’était moi, monsieur. Je courais le loup-garou et vous m’avez délivré. Je vous en remercie ben des fois, mais ne me déclarez pas.
— Ah ! ben, c’est ben dommage ! Vous étais ane si bonne vache ! Vous donnais donc du bon laite, ben gras, et vous en donnais ben. Vous avais donc des beaux veaux ! Vous étais ane laitière sans pareille. Vout’ pis était d’ane grosseur ! Mais c’est pas juste. Avec tout ça j’ai pus de vache. Attends un peu : j’m’en vas te redélivrer.
— Faites ben attention ! Si vous me tuez, vous n’aurez plus de vache — J’te tuerai pas ; j’te vas frapper avec ma corde.
Atteint en pleine figure, le quêteux se mit à beugler comme s’il fut réellement devenu vache. Les buveurs, trouvant que la plaisanterie avait assez duré, ramenèrent la vache, qui n’était pas loin et qui fut bientôt remise en la possession de son légitime propriétaire, lequel resta convaincu qu’il avait délivré et redélivré le mendiant.
À demi rassuré, le vacher dit au quêteux : « Si jamais je te rattrape par icite à rôder autour des vaches pour courir le loup-garou, je te délivrerai si bien que